
Une équipe de médecins de
Nouvelle-Zélande a publié en 2010
un article [1] qui analysait les résultats
de plusieurs études (une « méta-analyse
») comparant les effets des
apports de calcium médicamenteux
à ceux d’un placebo. La conclusion
de cet article était que les suppléments de calcium sont associés à
une augmentation du risque cardiovasculaire
global, en particulier
à une augmentation modérée mais
significative du risque d’infarctus
du myocarde. Ce résultat a retenu
l’attention des spécialistes : on en
parle aujourd’hui dans les congrès
sur l’ostéoporose, on s’interroge…
C’est une alerte et un appel à la
vigilance, indique le Dr Jean-Claude Souberbielle.
Ce risque éventuel innatendu concerne les apports de calcium médicamenteux à des doses relativement importantes, chez des patients qui consommaient déjà du calcium dans leur alimentation courante. Les apports calciques alimentaires sont nécessaires à la santé osseuse à toutes les étapes de la vie, pour la croissance, la formation de la masse osseuse, et en particulier pour lutter contre l’ostéoporose.
Leur nécessité n’est absolument pas remise en question par cette étude ni par une autre. Aucune donnée ne permet aujourd’hui de justifier la moindre méfiance vis-à-vis du calcium apporté par l’alimentation, au contraire ! Il reste que les auteurs de la méta-analyse formulent une hypothèse pour expliquer leur conclusion.
Ils s’appuient sur des études précédentes, montrant notamment que la calcémie - le taux de calcium dans le sang - augmente beaucoup plus avec le calcium médicamenteux qu’avec le calcium alimentaire. On n’en connaît pas la raison, mais il semble qu’une calcémie normale « élevée » soit associée à plus d’événements cardio-vasculaires qu’une calcémie normale mais plus « faible », telle que l’obtiennent les apports de calcium alimentaires.
C’est une possibilité, on ne peut en dire plus aujourd’hui. Toujours est-il que l’usage du calcium médicamenteux étant très répandu, les auteurs de la méta-analyse recommandent de réévaluer son rôle dans la prise en charge de l’ostéoporose.
Les patients, tout comme la population générale , doivent éviter les auto-prescriptions de suppléments. En suivant les recommandations nutritionnelles, l’alimentation courante - en particulier les produits laitiers, principale source de calcium - permet d’assurer des apport s calciques suffisants. Mais la prescription de suppléments est souvent le fait des médecins, inquiets de l’insuffisance fréquente de ces apports. Grâce à un simple questionnaire, disponible sur le site du GRIO [2], il est possible de prendre quelques minutes pour évaluer la consommation de calcium de chacun. Dans nos consultations spécialisées, la moyenne se situe plutôt autour de 500 mg/j, alors que les besoins, chez les personnes âgées et chez les femmes dès la ménopause, se situent autour de 1200 mg/j. Il suffit la plupart du temps d’augmenter la part des aliments riches en calcium.
Ce n’est que dans les cas où l’alimentation ne peut assurer les apports suffisants (par exemple en cas de végétalisme strict) que les suppléments ont une place éventuelle. Avec toute la prudence qui est aujourd’hui de rigueur. Nous voyons aussi en consultation un certain pourcentage de patients (autour de 10 %) qui ont manifestement des apports calciques excessifs : ils ont des apports alimentaires suffisants et prennent en plus des comprimés !
[1] Bollan d M J, Avenell A, Baron JA,
Grey A, MacL ennan GS, Gamble GD,
et al. Effect of calcium supplements on
risk of myocardial infarction and cardiovascular
events: meta-analysis. BMJ
2010;341:bmj.c3691
[2] Groupe de recherche et d’information
sur les ostéoporoses (GRIO).
(D'après le Dr Jean-Claude Souberbielle, du service d'exploration fonctionnelle de l'hôpital Necker à Paris et le Docteur M. - C. Bertière, Directeur du CERIN)