
L’étude
EDEN, coordonnée par notre équipe,
nous a d’abord permis d’observer, avec
d’autres études, que le poids de la
mère en début de grossesse contribue,
plus encore que les variations de poids
pendant la grossesse, à la croissance
foetale et au poids de naissance de
l’enfant. La prise de poids durant la
grossesse ne joue un rôle important
que si elle est trop insuffisante ou
excessive. D’où notre intérêt pour la
période périconceptionnelle. Les progrès
des sciences fondamentales en
soulignent aujourd’hui l’importance.
Dès la maturation de l’ovocyte et lors de la fécondation, avant même l’implantation de l’embryon dans l’utérus, l’environnement nutritionnel peut imprimer des marques sur les gènes (marques dites « épigénétiques »), qui font que ces gènes pourront ou non s’exprimer plus tard. A cette période de la vie s’effectue ainsi toute une re-programmation, qui va orchestrer le développement de l’embryon… et pour partie la suite !
En s’intéressant à cette période, l’étude EDEN a pu montrer que les variations de poids de la mère avant la grossesse sont en relation avec la crois sance et avec la santé du foetus. A poids maternel égal en début de grossesse, l’enfant n’aura pas le même poids de naissance selon que sa mère aura été en dynamique de prise de poids ou en dynamique de perte de poids dans les années précédant la grossesse. Cette observation a été faite pour le moment chez des femmes de poids normal.
Elle suggère que des régimes trop restrictifs dans les années précédant la grossesse puissent avoir un rôle sur la croissance du foetus. Les données de l’étude EDEN ne nous permettaient pas d’être plus précis sur la période concernée mais nous travaillons sur une autre étude pour avancer ce point important.
De plus, quelle que soit cette fois la corpulence de la femme en début de grossesse, nous avons observé une forte association entre la dynamique de prise de poids avant la grossesse et le risque de diabète et d’hypertension gestationnels. Cette association est même plus forte que pour le poids de naissance. Une femme en surpoids qui était plutôt en dynamique de perte de poids avant la grossesse a moins de risque de diabète gestationnel qu’une autre femme en surpoids qui était en dynamique de prise de poids.
Sait-on si ces variations de poids chez la mère avant la grossesse prédisposent l’enfant à l’obésité ?
L’étude EDEN s’est limitée à la croissance foetale. On sait seulement que si la mère est en surpoids ou obèse, l’enfant a plus de risques de le devenir. Mais c’est vrai aussi si le père est en excès de poids, donc ce n’est pas un effet spécifiquement maternel. Certaines études montrent néanmoins que les variations de poids pendant la grossesse sont associées plus faiblement que la corpulence maternelle en elle-même au risque de surpoids ultérieur de l’enfant.
Il reste donc à étudier les variations du poids maternel avant la grossesse vis-à-vis du risque d’obésité future chez l’enfant. Le rôle de l’alimentation et la corpulence du père mérite aussi d’être éclairci. On sait déjà qu’elles retentissent sur la qualité du sperme et sur la probabilité de fécondation.
Quels conseils peut-on en tirer pour les couples désireux de procréer ?
La plupart des données inquiétantes sont liées à des alimentations hypercaloriques ou très restrictives. Il est raisonnable de penser que le suivi des recommandations nutritionnelles actuelles donne toute probabilité aux femmes de se placer dans les meilleures conditions pour une grossesse à venir. Les couples qui ont un projet d’enfant sont invités à prendre conscience que leur comportement alimentaire dans les mois ou les années qui précèdent la grossesse peut ne pas être anodin. Ce n’est pas lorsqu’elle devient enceinte qu’une femme devrait penser à son surpoids, car il est plus difficile de lutter une fois la surcharge pondérale installée.
En tout cas, faire un régime restrictif juste avant la grossesse ne me semble pas être une bonne idée. Et il me semble tout aussi déconseillé d’avoir une alimentation déséquilibrée et d’être dans une dynamique de prise de poids…