
Durant quelques semaines, c’est l’état de grâce. Chaque fois qu’arrive une nouvelle année, on se pardonne tout ce qu’on a fait de travers pendant 12 mois et on reformule avec aplomb tout ce qu’on a déjà oublié d’accomplir depuis des lustres. D’accord, le millésime 2011 est loin, côté symbole, du mythique « An 2000 » avec son cortège de fantasmes de science fiction, ses bugs informatiques fantômes, ses éclipses annonciatrices de fin du monde et sa collectionnite aiguë d’objets millésimés. Justement, si l’on profitait de cette année passe-partout pour en faire une année exceptionnelle... au moins pendant trois mois ?
Rendez-vous au prochain réveillon
Demain, j’arrête. Cette année, je m’y mets... On va voir ce qu’on va voir ! C’est tout vu : 9 fois sur 10, on continue de plus belle à faire ce que l’on avait juré d’arrêter et, évidemment, on arrête pitoyablement ce que l’on avait promis de tenir avec constance. Dans le pire des cas dès le lendemain du réveillon ; dans le meilleur, au terme des quelques semaines qui suivent.
Est-ce vraiment le lieu pour le dire (tant pis !) mais la santé est le plus fréquenté cimetière à bonnes résolutions de nos sociétés humaines depuis des millénaires. Quoi de plus étrange puisqu’il s’agit avant tout de prendre soin de soi ?
Nos bonnes résolutions sont en effet principalement égoïstes. Entre le désir de se maintenir en forme pendant douze mois et celui, par exemple, d’être un peu plus sympa avec sa belle-mère, la hiérarchie des priorités est vite établie. Ne concernant que nous, nos auto-engagements ne dépendent aussi que de nous. C’est le souci car, hélas, il ne suffit pas de vouloir pour pouvoir, même si le passage par l’étape volonté est une condition sine qua non de réussite.
Reprenons : j’ai donc - sans remords pour ma belle-mère - décidé de me faire du bien et je vérifie rapidement que cela exige un effort, nécessite des contraintes, oblige à une concentration totalement hors de proportion avec l’enjeu que je m’étais fixé. Au lieu d’être plus heureuse ou heureux, je suis deux fois plus perturbé(e) qu’avant. Fin de l’expérience et rendez-vous au prochain réveillon, à la prochaine décennie ou au troisième millénaire.
Activité physique : Qu’il est doux de ne rien faire...
Tabac : On ne met pas vraiment le paquet !
« Bonne » résolution : ça sent l’échec !
On vient de toucher du doigt le grand drame de la prévention. Un peu d’information suffit à éveiller les consciences et une bonne dose de conviction à emporter la décision. Mais le plus compliqué est encore à faire : il faut passer à l’acte et - surtout, surtout - persévérer.
Les grands manitous de la prévention le savent depuis longtemps maintenant : en matière de santé particulièrement, il ne suffit pas de vouloir modifier ses comportements pour y parvenir. D’abord parce qu’il faut être capable de le faire, physiquement et mentalement, mais aussi parce que l’envie est en l’occurrence un moteur bien plus puissant que la volonté.
Parler de « bonne résolution », c’est déjà un peu parler d’échec prévisible. Débarrassée de son adjectif gentillet, la résolution exprime soudain tout son sens, celui de prendre, après réflexion, une décision, d’affirmer une détermination. Combien de régimes amaigrissants se croira-t-on encore obligé de subir, saison après saison, parce qu’on n’a pas pu trouver ce fameux « équilibre alimentaire » cet espèce de Graal nutritionnel à la quête duquel beaucoup d’entre nous se lancent chaque année ?
Combien de salles de gymnastique ressembleront encore cette année à des amphis de fac de droit, désertés trois mois après l’enthousiasme de la rentrée ? Comme d’habitude : beaucoup, beaucoup trop. Cultivons donc notre envie, elle est le plus sûr atout de la réussite. ?
(BIENSÛR Santé Magazine n°21)